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Retraites : fichage illicite de manifestants gardés à vue

Le juge des référés du tribunal administratif de Lille ordonne au ministère de la Justice et au parquet de Lille l’effacement des données à caractère personnel contenues dans le fichier des manifestants contre la réforme des retraites placés en garde à vue : ce fichier a été constitué en dehors de tout cadre réglementaire.La Ligue des droits de l’Homme, l’association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), le syndicat des avocats de France (SAF) et une personne placée en garde à vue le 20 avril 2023, en marge des manifestations contre la réforme des retraites, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d’ordonner la destruction du fichier intitulé "suivi des procédures pénales : mouvement de la réforme des retraites", constitué par le parquet de Lille et comportant les nom, prénom et date de naissance de chaque manifestant placé en garde à vue à l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites, ainsi que les suites pénales données.

Dans son ordonnance rendue le 19 mai 2023 (n° 2304177 et 2304186), le juge des référés estime que la création de ce fichier concerné ne constitue pas une simple modalité de mise en œuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Cassiopée", qui a pour objet, selon le code de procédure pénale, "l’enregistrement d’informations et de données à caractère personnel relatives aux procédures judiciaires au sein des tribunaux judiciaires, afin de faciliter la gestion et le suivi de ces procédures par les magistrats, les greffiers et les personnes habilitées qui en ont la charge", dès lors que l’objet de la manifestation à l’occasion de laquelle une garde à vue a été décidée ne peut être enregistrée dans ce traitement automatisé. Par ailleurs, le juge considère que, compte tenu de ses caractéristiques, ce fichier constitue un traitement de données à caractère personnel relevant des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (loi Informatique et libertés) et que sa mise en œuvre sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire en autorisant la création et fixant ses modalités d’utilisation ainsi que les garanties dont il doit être entouré, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, qui comprend le droit à la protection des données personnelles. Par conséquent, le  juge des référés du tribunal administratif de Lille ordonne à la procureure de la République près le tribunal judiciaire de Lille et au ministre de la Justice, l’effacement des données à caractère personnel contenues dans ce fichier, et dans toutes les copies, totales ou partielles, qui auraient pu en être faites, sous réserve de la mise sous séquestre d’un seul exemplaire auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).